Vingt ans après la disparition de Gnassingbé Eyadema, ancien président de la République togolaise, son héritage politique et diplomatique continue d’alimenter la réflexion. Un colloque international s’est tenu ce lundi 3 février 2025 à Lomé pour analyser son action, notamment en matière de consolidation de la paix en Afrique. Universitaires, diplomates et acteurs politiques ont échangé sur son rôle dans la résolution des crises et sa vision de l’intégration régionale.
Ce colloque, axé sous le thème « Hommage à Gnassingbé Eyadéma, père de la nation togolaise (1935-2005) trouve sa pertinence dans la volonté de réexaminer la figure de Gnassingbé Eyadéma, non seulement en tant qu’homme politique national, mais également comme acteur clé dans la résolution des crises africaines. « Il s’agit d’analyser la contribution de l’homme dans le développement socio-économique du Togo », a déclaré le professeur Kodjona Kadanga, président du comité scientifique du colloque.
Pourquoi maintenant ? Le vingtième anniversaire de sa disparition semblait être le moment opportun pour rendre hommage à un homme qui a façonné le Togo moderne et dont l’action a eu un impact au-delà des frontières du pays.
Le colloque a rassemblé de nombreuses personnalités dont le Premier ministre togolais Victoire Tomégah-Dogbé, des universitaires, des politiciens, des chercheurs spécialisés dans les sciences politiques et des experts en diplomatie internationale. Parmi les intervenants, on a pu entendre des figures marquantes telles que Me Robert Dossou, ancien Bâtonnier, ancien Ministre des affaires étrangères du Bénin ainsi que le Prof. Mamadou Bamba de l’Université Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire. Leurs interventions ont mis l’accent sur l’importance de l’héritage d’Eyadéma dans le maintien de la paix, tant au Togo qu’au sein de la sous-région.
Un sujet qui demeure au cœur des débats sur l’action diplomatique et la stabilité régionale, dans un continent souvent en proie à des conflits et à des instabilités politiques. Prof. Mamadou Bamba raconte comment l’ancien président a été d’une grande aide lorsque la Côte d’Ivoire connu la crise militaro politique en 2002. « Le premier Chef d’Etat à venir au secours de la Côte d’Ivoire, c’était le président Eyadema. Il a reçu les protagonistes ici à Lomé. Il a fait ce qu’il devait faire et sur la base de la rencontre de Lomé, il y a eu les accords en 2003.»
Son influence a également été déterminante dans la résolution de conflits en Sierra Leone, et dans d’autres pays du continent. Par exemple, en avril 1980, il n’hésita pas à franchir le fleuve Charil en pirogue sous les tirs d’armes automatiques pour rechercher une solution au problème tchadien. En tant que médiateur, il a su user de son expérience et de sa stature pour favoriser la réconciliation et la stabilité régionale. La Professeure Dandi Gnamou, présidente de la Haute Cour de Justice du Bénin et enseignante à l’Université d’Abomey Calavi, a quant à elle mit en lumière la contribution déterminante du président togolais dans la création de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Selon elle, il a joué un rôle majeur dans la promotion de l’unité au sein de l’Afrique de l’Ouest, s’attachant à surmonter les divisions culturelles et linguistiques issues de la colonisation. « En tant que personne défendant l’idée de paix par l’intégration régionale, il a été au cœur de la mise en place de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Puisqu’il a travaillé à ce que les divisions, les clivages en termes linguistiques, en termes culturels soient mis de côté pour construire la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest avec l’ensemble des États qui appartiennent à cette région-là », indique-t-elle.
Un héritage à préserver
Me Robert Dossou, ancien bâtonnier et ancien ministre des Affaires étrangères du Bénin, a abondé dans le même sens. Pour lui, ce colloque a permis de raviver des événements et des faits historiques qui risquaient de sombrer dans l’oubli. Étant un témoin, il a rappelé que la CEDEAO, que beaucoup associent aujourd’hui à Eyadéma, avait trouvé son origine dans une initiative du président béninois Mathieu Kérékou en 1972, avant d’être pleinement concrétisée grâce à l’engagement du président togolais.
« Si nous, Africains, ne prenons pas le temps de rendre hommage à nos grands hommes, personne ne le fera à notre place », a déclaré Professeure Dandi Gnamou. Elle a enfin insisté sur la nécessité de préserver la mémoire des leaders africains pour inspirer les générations futures.
Serge Folly