L’arrestation semaine dernière du coordonnateur et du comptable des projets Kennedy Round (KR) a défrayé la chronique et abondamment relayée par des publications de la place. Et puisqu’il n’y a jamais de fumée sans feu, le voile commence par se lever sur les vrais raisons de l’interpellation et la mise à disposition de la justice de ces deux agents de l’Etat.
Le Togo et le Japon entretiennent depuis plusieurs années une parfaite et excellente relation de coopération qui se traduit par des aides multiformes à travers la JICA, l’Agence de Coopération Internationale du Japon.
Au cœur de ce partenariat, des aides qui visent à réduire le taux de pauvreté au Togo sont octroyées à travers le Projet Kennedy Round démarré en 2008.
Ce programme d’assistance alimentaire du Japon ambitionne d’améliorer la balance des paiements du pays et à favoriser d’importantes économies de devises qui auraient dû être dépensées à l’importation du riz.
C’est un volet issu du programme des Nations unies, pour le développement des relations de coopération entre les pays développés et les pays en développement.
L’assistance du gouvernement nippon entre dans le cadre d’une coopération financière non-remboursable qui permet aux pays en voie de développement qui font face à la pénurie alimentaire d’acquérir des vivres (riz et blé) au profit des populations les plus vulnérables. Ce projet constitué essentiellement de dons est destiné à soutenir les efforts du gouvernement, les fonds de contrepartie issus de la vente à coût modéré de ces vivres, serviront à la mise en œuvre des projets de développement socio-économiques sur l’ensemble du territoire national.
Qu’est ce qui explique alors que le coordonnateur et le comptable des projets KR se retrouvent sous les verrous ?
A première vue d’œil, l’on penserait à un détournement de fonds du projet pour expliquer que les sieurs Dzaka Kokoutsè et Zangaba Matinou se retrouvent privés de liberté.
Mais en réalité il n’en est rien de tout cela.
Interpellés pour des comportements d’insubordination et d’agression physique
Le 05 Mai 2021, alors qu’une opération d’enlèvement de stock dans les magasins de l’ANSAT était en cours, le comptable du projet KR décide unilatéralement, de façon inappropriée et non réglementaire de procéder au traitement des stocks par une substance non conventionnelle pour les vivres : le glyphosate Terminator 757 SG dont les conséquences se sont toujours révélées dramatiques lorsqu’il est utilisé directement sur les produits vivriers.
Alerté par ses collaborateurs, le Directeur Régional ANSAT Maritime premier responsable du site de stockage arrive sur les lieux et s’oppose à ce traitement qui risque de causer un suicide massif dans la population togolaise.
L’intransigeance du comptable qui déclarait agir au nom du coordonnateur, Monsieur Dzaka a obligé le Directeur Régional a s’interposer entre les stocks et le Comptable. C’est ainsi que le glyphosate utilisé par ce comptable a été déversé dans les yeux du Directeur Régional. Une agression physique qui a engendré des conséquences graves sur les facultés visuelles du DR après expertise d’une structure sanitaire spécialisée.
Une commission rapidement mise sur pied par le Ministère de l’Agriculture est parvenue à la conclusion suivante à l’encontre du coordonnateur et de son comptable :
Non-respect de la hiérarchie de la part du comptable des projets KR vis-à-vis du Directeur Régional de l’ANSAT Maritime, gestionnaire du site
Non-respect de la réglementation phytosanitaire qui exige que les traitements phytosanitaires, ailleurs et partout, se fassent par des spécialistes disposant d’un agrément professionnel en la matière, et non par un quelconque individu
Une pulvérisation malsaine et directe de bouillie de produit insecticide, dans un magasin contenant préalablement des denrées stockées. Ces types de traitement selon les normes, se font exclusivement par des techniques de fumigation à travers des sociétés agrées en la matière.
Le traitement phytosanitaire effectué par le comptable des projets KR ne respecte nullement le délai de rémanence du produit (14 jours minimum, entre période de traitement et enlèvement du stock), puisque ce traitement non réglementaire ayant conduit à l’incident s’est fait juste quelques heures avant les enlèvements.
La présence dans le magasin, d’un herbicide total, du Glyphosate du nom de Super Terminator 757 SG et ayant fait l’objet d’usage par le comptable des projets KR. Pourtant, il est interdit depuis décembre 2019, l’importation et l’usage de Glyphosate au Togo.
C’est au regard de cette conclusion qu’une plainte en bonne et due forme a été déposée devant les juridictions nationales contre les sieurs Dzaka Kokoutsè et Monsieur Zangaba Matinou coordonnateur et Comptable des projets KR pour « tentative d’empoisonnement massif des consommateurs » et « agression aux produits chimiques sur tiers pouvant engendrer un handicap visuel irréversible. »
Au vue des chefs d’accusations portées contre les deux agents, il convient d’affirmer sans aucun risque d’être contredit que le voile vient de se lever sur les réelles raisons de l’arrestation des deux agents.
Comment les manouvres de l’ancien Ministre Bataka ont retradé le bon fonctionnement des projets KR
En janvier 2019, le Togo réceptionne dans le cadre du projet KR 2017 près de 5000 tonnes de riz du projet KR. Au lieu de procéder au dispatching entre l’ANSAT et les sociétés privées choisies après appel d’offre en vue de la vente pour reconstituer rapidement le fond de contrepartie qui devraient essentiellement servir aux projets de développement de notre pays, c’est au mois de Mai que le Ministre d’alors Noël Bataka décide de libérer le stock qu’il a affecté à l’ANSAT.
Sur les près de 5000 tonnes de riz, seul 1540, 02 tonnes ont été allouées à la structure dirigée par le Colonel Ouro Koura Agadazi. Alors que la vente devrait être effectuée par l’ANSAT et les fonds récoltés versés sur le seul et unique compte principal KR ouvert pour la circonstance, le Ministre Bataka donne des injonctions au DG de l’ANSAT de lui reverser sur la vente des 1540,02 tonne 40 % qu’il devrait déposer sur un compte parallèle autre que celui dédié au projet KR 2017.
Les termes de références qui encadrent le partenariat lié au KR n’envisage pourtant pas cette possibilité. Voilà pourquoi le Colonel Agadazi connu pour sa rigueur a balayé du revers de la main cette intention du Ministre Bataka de siphonner 40% des fonds de vente estimées à 205 336 000 FCFA.
La raison évoquée par le Ministre Bataka était de vouloir faire face aux charges liées au convoiement des stocks de riz jusqu’aux magasins de l’ANSAT. Or, de sources bien introduites, le projet KR prend déjà en compte toutes les charges liées au convoiement, à la douane et toutes les autres taxes y afférentes jusqu’à l’entreposage des stocks dans les magasins.
Alors, de quelles charges parle le Ministre Bataka ? Le flou qui entourait les 40 % évoqués plus haut a obligé le DG de l’ANSAT à opposer un refus catégorique à ce
projet de ponction de l’argent public.
Face à ce bras de fer que le Colonel Agadazi venait ainsi d’engager avec le sieur Koutéra Bataka, injonctions furent alors données par le Ministre de l’Agriculture pour que les stocks soient bloqués. C’est finalement en juillet soit 07 Mois après la réception des dons que le coordonnateur des projets KR a décidé de libérer les stocks dédié à l’ANSAT qui, malgré le grand retard a pu opérer des ventes jusqu’à 96,44 %.
En 2020, le Ministre Bataka a encore récidivé l’exploit de blocage de stock avec la nouvelle cargaison arrivée dans le cadre du KR 2018. C’est à la faveur de la COVID 19 que le Chef de l’Etat a donné des instructions afin que des stocks soient mis à la disposition des populations à prix compétitif en vue d’amortir le choc lié à la pandémie.
Quid des 500 F à reverser à l’ANSAT et aux Préfets.
Dans le processus d’acheminement des stocks de riz du projet KR l’ANSAT fait face à des charges liées à la mise en marché des sacs sur l’ensemble du territoire en vue de rapprocher les stocks des populations. De même, au niveau des Préfets, des efforts sont également fait pour que l’acheminement des stocks se fasse aisément.
Pour cette raison, l’actuel Ministre en charge de l’agriculture a autorisé qu’un prélèvement de 500 F soit effectué pour l’ANSAT et les Préfets et un abattement de 500 F sur chaque sac pour amoindrir le choc subit par les populations affectées par la pandémie.
Contrairement aux idées reçues, les projets KR fonctionnent aujourd’hui à merveille avec les nouvelles orientations données par l’actuel Ministre en charge de l’Agriculture Antoine Lékpa Gbégbéni qui ne ménage aucun effort pour traduire dans les faits la vision du Chef de l’Etat dans le domaine agricole.